jeudi 9 février 2012

Le masque et la mort, Arlequin avec Claude Gaignebet



Le masque en Europe Occidentale (2002)

Tourné pendant la période des 12 jours (période calendaire située entre Noël et Epiphanie, mais aussi période dite de « raccord » entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire), cet interview de Claude Gaignebet montre à lévidence que les masques occidentaux trouvent leurs sources principalement dans la mythologie grecque et Romaine, que létymologie du mot masque éclaire le sens profond du rituel masqué et que le masque est laspect visible de toute une culture, voire dune religion pré-chrétienne. En tant que folkloriste et chercheur, Claude Gaignebet enseigne à lUniversité de Nice et est actuellement considéré comme le meilleur spécialiste des Mythes Européens. Il est à noter que ce qui est dit dans cet interview rejoint tout à fait les recherches faites sur dautre terrain que lEurope, comme en Afrique par exemple en particulier en ce qui concerne le culte des morts. Mais bien dautres aspects des rituels masqués sont ici entrevus et ouvrent des portes inattendues sur des univers que la littérature classique Grecque et Romaine(Platon, Vitruve) avaient évoqué, dune façon plus ou moins codée.

Cet entretien (rare et précieux) avec Claude Gaignebet servira de base à toute théorisation sur les rituels et les masques.

Ecouter l'interview, cliquer ici :


Claude Gaignebet, ethnologue et folkloriste est décédé d'une mort brutale dimanche 5 février 2012, il avait 74 ans. Paix à son âme, il s'est envolé vers d'autres cieux. Je ne le connaissais pas, n'avait jamais entendu sa voix jusqu'à ce jour.

Article du Monde, 9 février 2012
DANS LE BUREAU DU MAÎTRE


Cap sur les Lettres donc. En quelques années, trois licences (psychologie, ethnologie, sociologie). Et des maîtres d'exception en sociologie comme en anthropologie : Roger Bastide, André Le Roi-Gourhan, Georges Gurvitch, Claude Lévi-Strauss, Pierre Bourdieu... Devenu documentaliste pour une maison d'édition, Gaignebet sollicite sa première carte de lecteur de la Bibliothèque nationale. Et le piège se referme ! L'homme, ivre de savoirs, succombe au philtre des usuels qui le ballottent de dictionnaires en glossaires, de la Réserve aux Estampes ou aux Manuscrits. Et pour aggraver la situation, il prend pension chez le grand orientaliste Maxime Rodinson, rue Vaneau, reclus dans une des plus grandes bibliothèques d'érudition de Paris, dort dans le bureau du maître, sur un tapis roulé le matin, quand le maître vient corriger et compléter les pistes du travail de la nuit.

A l'heure du choix du sujet de thèse, quelques hypothèses en balance : le sport ? avec Bourdieu ? Gagné à l'ethnopsychiatrie, Claude Gaignebet choisit "Le Folklore obscène des enfants" sous la direction de Bastide. Jacques Lacan et Georges-Henri Rivière sont au jury. Le travail, d'une écriture si étonnamment vivante pour le genre, est édité en 1974 chez Maisonneuve & Larose (rééd. 2002) Malgré – ou en raison ? – de ce formidable coup d'éclat, la carrière de Gaignebet peine à démarrer. Echecs de ses candidatures au CNRS comme aux Arts et traditions populaires. S'il multiplie les publications dans les revues savantes, y compris celles où on ne l'attend pas (Poétique, Annales, Anagrom), il a du mal à subvenir aux besoins d'une famille – trois enfants qu'il a eus de son épouse Wanda, fille du poète polonais Julian Przybos.

Chargé de cours dans diverses universités parisiennes (Paris-I, -III, -VII, -VIII, -X) et à Strasbourg, il propose des stages de formation à la mythologie et travaille aussi beaucoup pour la radio, compagnon de route du producteur Claude Mettra aux Chemins de la connaissance (France Culture). Mettra qui préface du reste le si stimulant Carnaval, que Gaignebet publie chez Payot. S'inspirant de la méthode calendaire du folkloriste Pierre Saintyves, Claude y explore l'une des liturgies populaires les plus riches et les moins comprises. En un temps où les chaires de folklore n'existent pas en France, cela n'aide pas à obtenir la reconnaissance universitaire méritée.

HANTÉ PAR LA FIGURE DE RABELAIS
S'il obtient finalement un poste de professeur à Nice en 1984 où il exerce son magistère jusqu'en 2002, la grande affaire de Gaignebet devient la figure de Rabelais. François hante littéralement Claude. A plus hault sens, sa thèse sur L'Esotérisme spirituel et charnel de Rabelais, plus de deux décennies avant la lumineuse Lettre à Julien sur Rabelais : Le Tiers Livre et le jeu de l'oie (2007) et La Dégelée Rabelais (2009) atteste, plus encore que la connaissance intime qu'a Gaignebet de du père de Gargantua, la profonde empathie de l'homme pour la philosophie de vie du médecin-conteur. Rien d'étonnant alors à ce qu'il ait cosigné le scénario du beau téléfilm de Hervé Baslé, La Très excellente et divertissante vie de François Rabelais, proposée sur France 2 en juillet 2011.

Un mois plus tard les habitués des Rencontres d'Aubrac retrouvaient comme chaque été depuis 2005 le folkloriste. Sur ces terres où transitent la foi et l'aventure, tous s'émerveillaient de l'art de Gaignebet, sa faconde, sa science inépuisable, l'humour et la science du contrepied qui en faisaient un orateur d'exception. Sa soif de vivre, de communiquer et d'apprendre, inentamée.

Salué par Jean Baumgarten comme " un homme humainement exceptionnel qui a courageusement défendu des disciplines actuellement trop en déshérence, en les portant à leur point d'excellence ", Claude Gaignebet reste un exemple stimulant dans un monde universitaire étriqué où les individualités hors pair n'ont guère de place. En marge par goût et par fatalité, ce chercheur d'exception fut aussi un formidable vivant.

Philippe-Jean Catinchi

Source :
http://www.lemonde.fr/carnet/article/2012/02/09/claude-gaignebet-ethnologue-folkloriste-chercheur-d-exception_1640670_3382.html



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