vendredi 19 décembre 2014

Témoignage d'Intuition par Denis Grozdanovitch

Dans cette histoire que nous raconte l'auteur, l'Intuition se manifeste par cette impulsion d'avancer, de suivre son corps, faire corps avec l'énergie interne, être un avec le mouvement. Ce processus du lâcher prise dont il parle et d'ouverture permet de retrouver des objets égarés dans la maison ou à l'extérieur, de suivre une impulsion intérieure pour les retrouver. Je suis sûre que vous avez des anecdotes à ce sujet. 

La Conscience universelle sait tout, elle voit à tous les temps et elle imprime tout son environnement, ce qui fait qu'elle sait où était cette balle, elle a toujours su. l'ouverture et le lâcher prise font que cette Conscience puisse s'exprimer à travers la personne, et ainsi de la mener à l'objet égaré. 

Contact avec un "ordre irrationnel cohérent

Par Denis Grozdanovitch




Denis Grozdanovitch, ancien sportif de haut niveau, champion de tennis, 
de squash et courte-pomme, joueur d'échec en compétition, écrivain 
et photographe.


Je devais avoir dans les dix ans et, bien que déjà induit par ma nature contemplative à une sorte de mysticisme naturel ou disons « sauvage », je dois préciser que je n'aimais, dans la liturgie des messages catholiques auxquelles la volonté maternelle m'obligeait à assister chaque dimanche, que deux choses : la musique et le latin. Or un jour, comme à mon inlassable habitude, je renvoyais interminablement la balle à mon taciturne partenaire de mur (sur cet emplacement enfoui dans la végétation du club de tennis où j'avais l'habitude de m'entrainer – endroit écarté et désert qui, je m'en avise aujourd'hui, me tenait lieu de temple sacré où me recueillir en toute sainte solitude), une balle que j'avais frappée trop fort alla se perdre dans les fourrés bordant l'aire de ciment. J'eus beau fouiller avec ma raquette, me glisser à plat ventre sous les arbustes, essayer de reconstituer plusieurs fois la trajectoire et ses possibles aberrations, je ne pus remettre la main sur cette satanée balle.

Ce n'est point que la disparition d'une seule balle eût représenté une telle perte, mais je ne pouvais me résoudre à ce que les recherches systématiques aux quelles je m'étais livré pussent ne pas aboutir, et de surcroît au sein d'un périmètre certes embroussaillé mais somme toute assez restreint. Aussi m'obstinai-je et passai-je encore une bonne heure à tout inventorier des buissons environnants. En Vain. Cet échec, je ne saurais trop dire pourquoi, m'apparut (je m'en souviens avec une curieuse précision) comme une sorte de camouflet adressé à ma jeune personne par les instances célestes. Je m'assis pour réfléchir dans le calme végétal de 'endroit où ne se faisait entendre (là encore ce détail a son importance, je crois...) que le léger clapotis du bras de Seine coulant en contrebas. 

Soudain, l'idée me vint, comme par jeu mais avec une ferveur qui me fit bondir, d'adresser une supplique au Dieu tout-puissant des messes dominicales, lequel en raison du symbolisme amphigourique où il semblait se complaire, avait commencé de m'embarrasser sérieusement mais dont je n'osais encore remettre en question l'omnipotence. Je le priai donc silencieusement en moi-même – sans être entièrement dupe toutefois de la futilité d'une telle requête adressé à un personnage aussi considérable – de prouver sa sollicitude à mon égard en me faisant retrouver ma balle. 

L'instant d'après, télécommandé par une impulsion étrangère à ma volonté, je me dirigeai tout droit vers l'un des fourrés que j'avais pourtant déjà exploré et y plongeai la main de façon presque somnambulique pour y sentir la balle se matérialisant dans ma paume comme par magie.

Je dois avouer que cet incident m'est resté fiché dans l'esprit comme une expérience décisive de mon existence, et la raison en est sans doute que, déjà réfractaire à l'usage de la volonté volontariste que l'on cherchait à nous inculquer à toute force à l'école et au catéchisme (ou le dogmatisme des maîtres et la piété affichée des bigots avaient sur moi un effet répulsif), j'éprouvais le besoin de me prouver que les choses pouvaient d'obtenir par des moyens moins austères, moins cérébraux, notamment grâce à la puissance du désir ou par l'intercession d'une relation plus directe avec le réel. Ce sentiment était le germe, je crois, d'une disposition à la pensée magique (dont je devais découvrir ultérieurement l'importance dans les cultures dites archaïques) doublés d'une anticipation innée de ce fameux lâcher-prise oriental qui devait tant me servir par la suite dans ma carrière sportive.




Denis Grozdanovitch
La puissance discrète du hasard
Ed Denoël, 2013
Page 22-24






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