dimanche 21 décembre 2014

Le mental, l'intelligence et l'intuition

LE MENTAL, L'INTELLIGENCE ET L'INTUITION



L'intuition, un aspect de la sagesse, implique la participation du sentiment et non de l'émotion.
Arnaud Desjardins (1925-2011), Maitre Spirituel, spécialiste du Védanta
et Enseignant de la voie de Swami Prajnanpad

UN HOMME : Pourriez-vous donnez la différence entre le mental, l'intellect, l'intelligence ou la buddhi, l'intuition et la révélation.


ARNAUD DESJARDINS : C'est en effet, une question de terminologie. Par exemple, si vous lisez des ouvrages en anglais ou traduits de l'anglais, il va falloir essayer de comprendre quel sens a dans ce contexte le mot mind traduit parfois par mental et parfois par esprit comme le font les bouddhistes.

Vous commencez à savoir un peu ce qu'est le mental : je ne parle que de cela dans tous mes livres. Le mental est un menteur, il réfère à ce qui est à ce qui devrait être, il dédouble la réalité, il crée un second : ce qui est plus ce qui, selon moi, devrait être. Et il y aurait encore beaucoup à dire sur le mental ! 

Il y a aussi l'intelligence ou l'intellect – je ne parle pas ici de l'intellectualisme d'un universitaire brillant mais perdu dans ses problèmes personnels. L'intelligence dont il est question ici, c'est la buddhi, l'intellect qui voit ce qui est tel que c'est. Nous appelons voir le fait de penser lucidement et utilement : seconde après seconde, je considère les différents niveaux de la réalité et la réponse appropriée surgit. 

Et il existe un troisième niveau que vous pouvez éventuellement appeler intuition. Évidemment il y a aussi « mon intuition me dit que » et je me suis complètement trompé. 

Étymologiquement, le mot intuition ne signifie pas une espèce de flair, c'est plutôt une vue pénétrante de la réalité, plus fine même que l'intellect. L'intuition, qui devient en ce sens un aspect de la sagesse, implique la participation du sentiment et non de l'émotion. La compréhension par le cœur vient avec le « oui, c'est ainsi, que cela me plaise ou non ». Nous pourrions donc très bien utiliser le mot intuition pour cette sagesse profonde, libre de l'égo, à laquelle nous tentons de donner sa chance.

Vous avez parlé de révélation : comment va-t-on entendre ce terme ? 


Les Chrétiens disent que la Bible est une écriture révélée, que Dieu a parlé aux hommes dans la Bible par les prophètes puis par le Verbe incarné. Pour les hindous, les Védas sont révélés et sont d'origine supra-humaine. Mais Dieu n'apparait pas comme ça, pour annoncer « je suis Brahman », aham brahma asmi ! La révélation passe toujours par des témoins humains. Les Védas ont été parlés par des sages qui les ont « entendus » - c'est le mot sanscrit. 

Le Coran est révélé : c'est l'ange Gabriel qui l'a dicté au prophète Mohammed de la part de Dieu au fil des années. Nous prononçons parfois ces mots : « j'ai eu une révélation ». Cela ne veut pas dire que les paroles que nous allons prononcer doivent être considérées comme infaillibles que le Coran l'est pour les musulmans. La révélation est une connaissance, une certitude qui dépasse les capacités humaines habituelles : je vois, je sais. Les Upanishads disent « Ce que les yeux n'ont pas vu, ce que les oreilles n'ont pas entendu » : c'est d'un autre ordre.

Nos moyens habituels, même poussés à leur plus haut degré d'objectivité et d'efficacité, ont une limite. La révélation est ce contact avec cet autre niveau transcendant, métaphysique, au-delà du monde des phénomènes, du changement et de la multiplicité. Non seulement l'absurdité du mental est un voile mais la logique de l'intellect et de la raison, vijnanamaya kosha – l'intelligence lucide – est encore un revêtement du Soi. Plus profond, se trouve en nous anadamaya kosha, le niveau où il n'y a que paix et qui implique une certitude. Si j'hésite, je ne suis pas dans la paix. C'est à ce niveau le plus profond en vous que vous pouvez avoir des certitudes, que vous pouvez savoir avec d'autres possibilités que celles de votre intelligence elle-même. La révélation se situe au-delà de l'intelligence. La révélation est celle de la réalité ultime, du monde plus profond que les apparences, la révélation de l'éternité, de l'éternel maintenant non impliqué dans le temps.

La réalité ultime nous submerge. La révélation n'est pas réservée à Moïse ou aux Rishis, aux grands sages à l'origine de l'hindouisme : elle peut nous être accessible à un autre niveau de perception de la réalité. Nos comportements auront alors une autre source que la source habituelle.


La réalité ultime nous submerge


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Editions de la Table Ronde, 2002
Page 107 – 109







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