Rencontre avec le Dr Richard Wiseman, professeur de psychologie à l'université du Hertfordshire, en Grande-Bretagne, et qui dirige un laboratoire de recherche sur la chance
Par Jean-Sébastien Stehli (L'Express), publié le 24/04/2003
Selon vous, tout ce qui nous arrive dépend de notre comportement...
Il y a deux sortes de chance: celle qui fait gagner au Loto et sur laquelle nous n'avons aucun contrôle, et celle qui ressemble à de la chance mais que l'on peut expliquer par différents facteurs psychologiques. Celle-là, il est possible de la favoriser.
De quelle façon?
Avec mon équipe, j'ai étudié plus de 400 personnes pendant huit ans. J'ai découvert que les «chanceux» ont en commun quatre caractéristiques principales qu'ils mettent en pratique sans même en être conscients. Si vous comprenez ces mécanismes, vous identifiez les facteurs de chance.
Quels sont ces facteurs?
D'abord, ceux qui se disent chanceux savent repérer les occasions favorables. Par exemple, nous proposons un exercice simple: nous demandons aux gens de feuilleter un journal et de compter le nombre de photos. Les chanceux repèrent tout de suite l'encadré dans lequel il est dit qu'il y a 45 photos. Les autres se focalisent sur le calcul des photos et ne voient rien. Dans une variante de cet exercice, nous promettons 100 euros à ceux qui compteront juste. Or un petit encadré dans le journal affirme: «Vous avez gagné 100 euros.» Ce sont généralement les mêmes sujets qui le remarquent.
Qu'est-ce que cela prouve?
Que la chance est pour une bonne part le fruit de notre attitude psychologique. Ceux qui ont de la chance sont ouverts - ouverts aux expériences, ouverts aux autres - et entretiennent ce que j'appelle le «réseau de la chance».
C'est-à-dire?
Sans qu'ils en soient conscients, les gens chanceux maximisent leurs possibilités en créant autour d'eux un tissu de relations. On estime qu'en général nous connaissons 300 personnes. En cultivant ce réseau, nous accroissons nos chances - de trouver le bon emploi, l'appartement idéal ou encore l'âme soeur. Pour changer sa vie, une seule bonne rencontre suffit.
Quelles sont les trois autres qualités qu'ont en commun les gens chanceux?
Ils font confiance à leur intuition, ils s'attendent à avoir de la veine et ils voient du positif même dans le négatif. Par exemple, après un accident grave, on peut trouver qu'on a joué de malchance ou au contraire qu'on a eu de la chance de s'en sortir. Warren Buffett, l'un des hommes les plus riches de la planète, raconte que sa chance fut d'être rejeté par la Harvard Business School. Grâce à cet échec, il a rencontré l'homme qui allait devenir son mentor et l'aider à lancer sa carrière.
Naît-on chanceux?
Parfois, un enfant naît au moment où deux ou trois autres personnes de son entourage meurent. On dira que c'est un bébé qui porte malheur et il sera élevé avec ce poids sur les épaules: cela colorera toute sa vie. Dans notre laboratoire, nous faisons le test suivant: nous donnons à deux personnes - un chanceux et un malchanceux - un casse-tête constitué de deux pièces encastrées qu'il faut séparer. Or l'un des jeux ne peut pas s'ouvrir. Résultat: 60% des «malchanceux» se plaignent d'avoir tiré le mauvais jeu, alors que 30% seulement des «chanceux» le disent. Croire que l'on est malchanceux est l'une des certitudes les plus redoutables dont on peut être affligé.
Pourquoi?
Parce qu'elle affecte tous les aspects de la vie. Les gens deviennent déprimés et défaitistes, donc malchanceux. A l'inverse, quand ils réalisent qu'ils ont davantage de contrôle sur leur vie, qu'ils regardent l'existence avec plus d'optimisme, une multitude de bonnes choses leur arrivent. Quand les gens pensent avoir de la veine, les occasions se présentent. C'est un cercle vertueux.
Selon vous, tout le monde peut-il devenir chanceux?
Absolument! Et j'ai toutes les études pour le prouver.
Absolument! Et j'ai toutes les études pour le prouver.
http://www.lexpress.fr/culture/livre/quand-les-gens-pensent-avoir-de-la-veine-les-occasions-se-presentent_818759.html
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