"Peu de spécialistes du cerveau souhaiteraient vivre l'attaque foudroyante dont Jill Bolte Taylor a été victime. Bien que cette expérience lui ait permis d'observer comment les fonctions de son cerveau, gestes, parole et conscience de soi se sont arrêtées les unes après les autres. Une histoire étonnante. "
Jill Bolte Taylor avec Oprah's Souls Series, il y a un an.Il s'agit d'une webdiffusion de la série Oprah's Soul (qui apparaît également sur la radio XM, canal 156). Cette vidéo a été diffusée le 16 Juin et caractéristiques Jill Bolte Taylor, spécialiste du cerveau de renom qui a connu une métamorphose spirituelle après avoir subi un accident cérébrovasculaire. Cette annonce intervient après le succès de sa série de webcasts pour le livre de Eckhart Tolle's, "A New Earth".
VOYAGE AU DELA DE MON CERVEAU
la moindre activité. J’ai renoncé à l’action au profit de l’être; à mon hémisphère
gauche au bénéfice du droit. Je ne me sentais plus minuscule et insignifiante ou
seule au monde mais en expansion infinie. J’ai cessé de penser verbalement pour
me contenter de simples images de l’instant présent. Je ne parvenais plus à réfléchir
au passé ni à l’avenir: les cellules qui me le permettaient autrefois ne jouaient
plus leur rôle. Je ne m’ancrais plus que dans l’ici et maintenant, et c’était magnifique
! La conception que je me formais de moi-même a radicalement changé.
L’intuition m’est venue qu’au niveau le plus élémentaire, j’étais un fluide. Tout,
autour de nous, et en nous, se compose de particules atomiques en mouvement.
Libéré des entraves que lui imposait le mode ordinaire de perception de mon
hémisphère gauche, mon hémisphère droit a exulté de se découvrir associé au
flux de l’éternel. Je ne me sentais plus isolée ni seule au monde. Mon âme en
expansion atteignait les dimensions de l’univers entier en s’ébattant allègrement
dans un océan sans bornes.
Un subtil malaise s’instillerait sans doute chez la plupart d’entre nous à l’idée
de posséder une âme aussi vaste que l’univers entier, reliée au flux d’énergie
qui parcourt tout ce qui est. Et, pourtant, qui oserait nier la réalité des
millions de milliards de particules en mouvement qui nous constituent? Nous
ne sommes au fond que des membranes remplies de fluides dans un univers
liquide où tout s’agite sans répit. Tout autour de nous se réduit en dernière
analyse à un assemblage de molécules de densités variables; à une combinaison
d’électrons, de protons et de neutrons esquissant un incessant ballet
aux figures complexes. Tout est atomes. Tout est énergie. Mes yeux ne percevaient
plus une mosaïque aux composants distincts. Au contraire, voilà que
tout fusionnait ! Je n’analysais plus normalement ce qui se présentait à ma
vue. (Ma perception de mon environnement le jour de l’A.V.C. s’apparente
assez aux tableaux pointillistes de certains néo-impressionnistes.)
Ma conscience en éveil se sentait rattachée à une sorte de flux cosmique.
Tout se confondait dans mon champ de vision dont le moindre pixel irradiait
d’énergie. Impossible de distinguer les limites entre les objets : ils ne formaient
plus qu’un vaste ensemble. Je ne voyais plus en trois dimensions ».
Incapable de faire fonctionner son cerveau gauche, Jill Bolte Taylor a dû réapprendre
à vivre en passant successivement par les stades de bébé, puis de
petit enfant, d’enfant, d’adolescent et enfin d’adulte. Cette reconstruction
de ses réseaux de neurones a duré huit années mais lui a permis, en tant que
neuroanatomiste, de vivre de l’intérieur les processus d’apprentissage du cerveau.
Au sujet des émotions, elle écrit :
« Mon A.V.C. m’a donné l’occasion de prendre conscience de l’impact de
mes émotions sur mon organisme. La joie est devenue une sensation à l’intérieur
de mon corps. La quiétude aussi. Je ressens aujourd’hui quand une
nouvelle émotion prend naissance en moi. Certaines se dissipent aussi subitement
qu’elles m’ont envahie. J’ai dû diversifier mon vocabulaire pour les
qualifier et, chose remarquable, j’ai découvert qu’il était en mon pouvoir de
les laisser s’installer en moi ou, au contraire, de les chasser au plus vite.
J’ai commencé à prendre des décisions en fonction de ce que je ressentais.
Des émotions telles que la colère, la frustration ou la peur me pèsent. J’ai
déclaré à mon cerveau que je n’en voulais plus et qu’il ne devait surtout pas
activer les réseaux de neurones correspondants. J’ai découvert la capacité de
mon hémisphère gauche à « raisonner » mon cerveau en lui dictant ce qu’il
tolère ou pas. Là-dessus, j’ai compris que je ne serais plus jamais la même
qu’avant. J’ai désormais mon mot à dire sur ce que je ressens et je m’oppose
envers et contre tout à la réactivation de mes anciennes connexions neuronales
génératrices de souffrance.
L’attention soutenue que j’ai prêtée à l’incidence de mes émotions sur le
fonctionnement de mon organisme a joué un rôle déterminant dans ma guérison.
Huit années durant, j’ai observé mon esprit à l’oeuvre en analysant ce
qui se passait dans mon cerveau. Chaque jour nouveau s’est accompagné de
révélations et de défis à relever. Plus mon passé me revenait en mémoire, plus
mon bagage émotionnel refaisait surface. Il m’a fallu réfléchir plus d’une fois
à l’opportunité (ou pas) de renouer avec mes anciens modes de pensée.
À partir du moment où mon hémisphère gauche a repris du poil de la bête,
il m’a semblé naturel d’accuser les autres, ou tout simplement la force des
choses, de mon humeur. Je sais cependant que personne ne peut m’obliger
à ressentir quoi que ce soit, excepté moi-même. Rien d’extérieur à ma conscience
n’a le pouvoir de m’ôter ma tranquillité d’esprit. Celle-ci ne dépend
que de moi. Loin de moi la prétention de contrôler tout ce qui m’arrive! Il
n’empêche que c’est à moi et à moi seule de décider du regard que je porte
sur mon expérience. »
Elle découvrit que le cycle normal d’une émotion est de 90 secondes :
aussi quand elle constate que des réseaux de neurones qu’elle ne parvient
pas à contrôler prennent le dessus, elle attend une minute et demie que la
réaction physiologique émotionnelle aie le temps de couler hors de son
corps, puis elle s’adresse à son cerveau en lui disant avec sincérité : « Je te
suis reconnaissant de ta capacité à faire naître en moi des émotions mais
celle que tu viens d’éveiller ne me dit rien qui vaille, alors je te prie de passer
à autre chose ! » Sa guérison lui permit de mieux comprendre le fonctionnement
des hémisphères du cerveau. Elle écrit :
« Je me demandais dans quelle mesure la récupération des facultés de mon
cerveau gauche me contraindrait à sacrifier le nouveau système de valeurs de
mon hémisphère droit et les traits de caractère qui en découlaient. Je ne souhaitais
pas renoncer à mon impression de fusionner avec le reste du monde.
Loin de moi l’envie de renoncer au nirvana! Quel prix allait devoir payer la
conscience de mon hémisphère droit pour que l’on m’estime à nouveau «normale
»? Les neurobiologistes actuels se contentent souvent de décrire sur un
plan purement intellectuel l’asymétrie fonctionnelle de nos deux hémisphères
cérébraux sans s’arrêter aux traits de caractère qui résultent de leur spécificité.
Avant mon A.V.C., mon hémisphère gauche prévalait sur le droit. Je sollicitais
la plupart du temps mes facultés de jugement et d’analyse. Mon hémorragie
a détruit les neurones qui définissaient mon ego dans le centre du langage de
mon hémisphère gauche en les empêchant ainsi d’étouffer plus longtemps la
voix de mon cerveau droit, ce qui m’a permis de relever les différences entre
les deux personnalités qui cohabitent à l’intérieur de mon crâne. Les deux moitiés
de mon cerveau, non contentes de percevoir le monde ou de réfléchir chacune
à sa manière, prônent des valeurs propres au type de données qu’elles
traitent. Mon A.V.C. m’a obligée à me rendre compte que mon hémisphère
droit abritait une forme de conscience dont dépendaient ma quiétude, ma joie
et mon amour pétri de compassion pour le reste du monde.
Certains d’entre nous ont encouragé le développement des deux moitiés
de leur cerveau: ils optimisent les compétences propres à chacune de sorte
qu’elles se contrebalancent au quotidien. D’autres s’en tiennent au contraire à
un fonctionnement unilatéral; ils suivent un mode de pensée rigide et critique
(en n’ayant recours qu’à leur cerveau gauche) ou, à l’inverse, se coupent du
réel en passant leur temps « la tête dans les nuages » (à l’intérieur de leur cerveau
droit). Un équilibre harmonieux entre les tendances associées à chacun
de nos hémisphères devrait nous assurer assez de flexibilité sur le plan cognitif
pour nous adapter au changement (grâce à notre cerveau droit) sans dévier
pour autant du chemin que nous nous sommes tracé (à l’aide de notre cerveau
gauche). Apprécier à leur juste valeur et utiliser au mieux nos aptitudes cognitives
nous amène à prendre conscience des chefs-d’oeuvre de la vie que nous
sommes tous! Imaginez le monde que nous pourrions créer pour peu que chacun
d’entre nous décide de laisser libre cours à sa compassion.
Hélas ! La compassion n’a pas souvent voix au chapitre dans nos sociétés.
Beaucoup d’entre nous passent un temps fou (et gaspillent énormément d’énergie)
à dévaloriser ou critiquer les autres (ou, pire encore, eux-mêmes !).
Quand nous nous accablons de reproches, nous devrions nous demander
qui, au fond de nous, nous houspille et sur qui pleuvent nos récriminations.
Avez-vous déjà remarqué la fâcheuse tendance des pensées négatives à
redoubler notre hostilité envers nous-mêmes ou notre anxiété? Et l’influence
pernicieuse de notre monologue intérieur sur nos relations avec nos proches
et les réactions que nous suscitons en eux? En tant que créatures biologiques,
nous disposons d’une emprise extraordinaire sur nous-mêmes. Nos
neurones communiquent entre eux en fonction de circuits établis, ce qui
rend au final leur activation assez prévisible. Plus nous nous concentrons sur
un réseau de cellules en particulier, c’est-à-dire plus nous passons de temps
à entretenir telle ou telle pensée, plus notre influx nerveux aura tendance à
suivre le même parcours à l’avenir.
Mon hémisphère droit ne se soucie que de l’ici et maintenant. Il batifole
avec un enthousiasme débridé sans s’inquiéter de quoi que ce soit. Il sourit
sans cesse et se montre très amical. Eternellement satisfait, il ne renonce
jamais à son optimisme. Il ne juge pas en termes de bien ni de mal; tout existe
de son point de vue dans un continuum; tout est relatif. Il prend les choses
comme elles viennent et s’adapte aux situations telles qu’elles se présentent.
Mon hémisphère droit nous considère tous comme membres à part
égale de la grande famille humaine.
Mon hémorragie a été une bénédiction pour moi dans la mesure où elle
m’a permis de «donner un coup de jeune » aux réseaux de neurones à l’origine
de ma joie de vivre. Mon A.V.C. m’a rendue libre d’explorer le monde
qui m’entoure avec une curiosité enfantine. C’est mon hémisphère droit qui
me souffle que nous formons ensemble la trame du canevas universel des
potentialités de l’humanité, que la vie est belle et que tous les êtres qui peuplent
notre planète sont merveilleux tels qu’ils sont.
C’est dans mon hémisphère droit que résident mes tendances mystiques,
ma sagesse, mes facultés d’observation, d’intuition, de clairvoyance. Mon
cerveau droit jouit d’une entière liberté. Il ne se laisse pas entraver par mon
passé. Il ne craint pas l’avenir. Il savoure mon existence au quotidien. Il ne se
soucie pas seulement de moi mais de la vitalité de ceux qui m’entourent, de
notre bien-être à tous au sein d’une même société, et de notre relation avec
notre mère la terre. J’ai beau admirer l’ouverture d’esprit et l’enthousiasme
dont témoigne mon cerveau droit en prenant la vie à bras-le-corps, mon
hémisphère gauche ne me semble pas moins fascinant. Souvenez-vous que
j’ai tout de même passé huit années à tenter de le ressusciter ! C’est lui qui
associe les informations que me transmettent mes sens aux fabuleuses
potentialités qui apparaissent à chaque instant à mon hémisphère droit pour
en former une représentation de mon environnement qui me permette d’interagir
avec lui. Mon cerveau gauche me sert à communiquer avec le monde
extérieur. Mon hémisphère droit pense par juxtaposition d’images tandis que
mon hémisphère gauche réfléchit à l’aide d’un langage verbal. Il me parle
sans cesse. Son babil me remémore en permanence à quoi ressemble ma vie
en entretenant la conscience de mon identité. Si je me considère comme une
entité solide indépendante. Mon cerveau gauche s’épanouit en se livrant à
des supputations et des calculs incessants. C’est un perfectionniste qui excelle
à tenir un intérieur ou à gérer une entreprise. « Chaque chose a sa place,
et donc, chaque chose à sa place ! Telle est sa devise. Alors que notre cerveau
droit s’attache aux valeurs humaines, le gauche se souciera plutôt d’économie
ou de finances.
Mon hémisphère gauche n’hésite pas à se charger de plusieurs corvées à
la fois et il prend d’ailleurs plaisir à multiplier les activités. Entrepreneur, dynamique,
il se jauge à l’aune du nombre de lignes qu’il a gagné le droit de biffer
sur ma liste quotidienne de choses à faire. S’il me fallait qualifier ce que
je ressens au plus profond de mon hémisphère droit, j’emploierais le terme
de « joie ». Mon hémisphère droit exulte à la seule idée d’être en vie ! Quel
n’est pas mon émerveillement quand je songe qu’il est en mon pouvoir de
fusionner avec le reste de l’univers en conservant par ailleurs une identité
individuelle qui me permet d’évoluer dans le monde en le transformant selon
ma volonté !
Si la notion même de joie vous paraît incongrue, rassurez-vous: les circuits
de neurones à l’origine d’une telle émotion n’ont pas disparu de votre cerveau
pour autant. La suractivité de vos cellules génératrices d’anxiété ou de crainte
les inhibe tout simplement. Comme j’aimerais que vous puissiez à votre tour
vous débarrasser de votre bagage émotionnel pour retrouver votre joie spontanée
d’être au monde! Le secret de la quiétude consiste à chasser les pensées
angoissantes qui nous distraient de l’ici et maintenant et des messages que
nous transmettent en permanence nos cinq sens. Notre désir de paix doit prendre
le pas sur notre attachement notre souffrance ou à notre ego ou encore
sur notre envie de l’emporter à tout prix. Comme le dit cette petite phrase qui
me plaît beaucoup : «Vaut-il mieux avoir raison ou être heureux ? »
En ce qui me concerne, j’apprécie beaucoup les sensations physiologiques
que me procure ma joie de vivre; c’est pourquoi je stimule souvent les circuits
de neurones qui l’éveillent. Plus d’une fois, je me suis demandé: Si chacun de
nous a le choix, pourquoi tout le monde n’opte-t-il pas pour le bonheur? Je
ne peux qu’émettre des hypothèses mais il me semble que nombre d’entre
nous ne se rendent pas compte que le choix leur appartient, ce qui fait qu’ils
n’en profitent pas. Avant mon A.V.C., je me considérais comme un produit
de mon cerveau et jamais je n’aurais cru avoir mon mot à dire sur ma réaction
aux émotions qui me submergeaient. À un niveau intellectuel, je me
savais capable d’orienter le cours de mes pensées mais il ne e serait pas venu
à l’idée que je pouvais décider de ce qu’éveillait en moi tel ou tel état
d’esprit. Personne ne m’avait avertie qu’il ne fallait qu’une minute et demie
aux substances chimiques que sécrète mon organisme pour se dissiper en me
laissant de nouveau libre. Vous n’imaginez pas le bouleversement qu’une
telle prise de conscience a marqué dans ma vie ! »
source :
http://www.santeglobale.info/tal/Emotions-psychiatrie.html
Jill Bolte Taylor est une neuroanatomiste américaine qui, à l’âge de 37 ans,
a subi un A.V.C. (Accident Vasculaire Cérébral) dû à la rupture d’un anévrisme
qui a entraîné une hémorragie dans l’hémisphère gauche de son cerveau.
Voici comment elle décrit ce qu’elle a vécu (dans Voyage au-delà de mon cerveau)
: « Les instants ne se succédaient plus les uns aux autres mais demeuraient
éternellement en suspens. Un peu comme quand on longe une plage ou qu’on
contemple le spectacle de la nature. Rien ne me pressait plus de me lancer dansla moindre activité. J’ai renoncé à l’action au profit de l’être; à mon hémisphère
gauche au bénéfice du droit. Je ne me sentais plus minuscule et insignifiante ou
seule au monde mais en expansion infinie. J’ai cessé de penser verbalement pour
me contenter de simples images de l’instant présent. Je ne parvenais plus à réfléchir
au passé ni à l’avenir: les cellules qui me le permettaient autrefois ne jouaient
plus leur rôle. Je ne m’ancrais plus que dans l’ici et maintenant, et c’était magnifique
! La conception que je me formais de moi-même a radicalement changé.
L’intuition m’est venue qu’au niveau le plus élémentaire, j’étais un fluide. Tout,
autour de nous, et en nous, se compose de particules atomiques en mouvement.
Libéré des entraves que lui imposait le mode ordinaire de perception de mon
hémisphère gauche, mon hémisphère droit a exulté de se découvrir associé au
flux de l’éternel. Je ne me sentais plus isolée ni seule au monde. Mon âme en
expansion atteignait les dimensions de l’univers entier en s’ébattant allègrement
dans un océan sans bornes.
Un subtil malaise s’instillerait sans doute chez la plupart d’entre nous à l’idée
de posséder une âme aussi vaste que l’univers entier, reliée au flux d’énergie
qui parcourt tout ce qui est. Et, pourtant, qui oserait nier la réalité des
millions de milliards de particules en mouvement qui nous constituent? Nous
ne sommes au fond que des membranes remplies de fluides dans un univers
liquide où tout s’agite sans répit. Tout autour de nous se réduit en dernière
analyse à un assemblage de molécules de densités variables; à une combinaison
d’électrons, de protons et de neutrons esquissant un incessant ballet
aux figures complexes. Tout est atomes. Tout est énergie. Mes yeux ne percevaient
plus une mosaïque aux composants distincts. Au contraire, voilà que
tout fusionnait ! Je n’analysais plus normalement ce qui se présentait à ma
vue. (Ma perception de mon environnement le jour de l’A.V.C. s’apparente
assez aux tableaux pointillistes de certains néo-impressionnistes.)
Ma conscience en éveil se sentait rattachée à une sorte de flux cosmique.
Tout se confondait dans mon champ de vision dont le moindre pixel irradiait
d’énergie. Impossible de distinguer les limites entre les objets : ils ne formaient
plus qu’un vaste ensemble. Je ne voyais plus en trois dimensions ».
Incapable de faire fonctionner son cerveau gauche, Jill Bolte Taylor a dû réapprendre
à vivre en passant successivement par les stades de bébé, puis de
petit enfant, d’enfant, d’adolescent et enfin d’adulte. Cette reconstruction
de ses réseaux de neurones a duré huit années mais lui a permis, en tant que
neuroanatomiste, de vivre de l’intérieur les processus d’apprentissage du cerveau.
Au sujet des émotions, elle écrit :
« Mon A.V.C. m’a donné l’occasion de prendre conscience de l’impact de
mes émotions sur mon organisme. La joie est devenue une sensation à l’intérieur
de mon corps. La quiétude aussi. Je ressens aujourd’hui quand une
nouvelle émotion prend naissance en moi. Certaines se dissipent aussi subitement
qu’elles m’ont envahie. J’ai dû diversifier mon vocabulaire pour les
qualifier et, chose remarquable, j’ai découvert qu’il était en mon pouvoir de
les laisser s’installer en moi ou, au contraire, de les chasser au plus vite.
J’ai commencé à prendre des décisions en fonction de ce que je ressentais.
Des émotions telles que la colère, la frustration ou la peur me pèsent. J’ai
déclaré à mon cerveau que je n’en voulais plus et qu’il ne devait surtout pas
activer les réseaux de neurones correspondants. J’ai découvert la capacité de
mon hémisphère gauche à « raisonner » mon cerveau en lui dictant ce qu’il
tolère ou pas. Là-dessus, j’ai compris que je ne serais plus jamais la même
qu’avant. J’ai désormais mon mot à dire sur ce que je ressens et je m’oppose
envers et contre tout à la réactivation de mes anciennes connexions neuronales
génératrices de souffrance.
L’attention soutenue que j’ai prêtée à l’incidence de mes émotions sur le
fonctionnement de mon organisme a joué un rôle déterminant dans ma guérison.
Huit années durant, j’ai observé mon esprit à l’oeuvre en analysant ce
qui se passait dans mon cerveau. Chaque jour nouveau s’est accompagné de
révélations et de défis à relever. Plus mon passé me revenait en mémoire, plus
mon bagage émotionnel refaisait surface. Il m’a fallu réfléchir plus d’une fois
à l’opportunité (ou pas) de renouer avec mes anciens modes de pensée.
À partir du moment où mon hémisphère gauche a repris du poil de la bête,
il m’a semblé naturel d’accuser les autres, ou tout simplement la force des
choses, de mon humeur. Je sais cependant que personne ne peut m’obliger
à ressentir quoi que ce soit, excepté moi-même. Rien d’extérieur à ma conscience
n’a le pouvoir de m’ôter ma tranquillité d’esprit. Celle-ci ne dépend
que de moi. Loin de moi la prétention de contrôler tout ce qui m’arrive! Il
n’empêche que c’est à moi et à moi seule de décider du regard que je porte
sur mon expérience. »
Elle découvrit que le cycle normal d’une émotion est de 90 secondes :
aussi quand elle constate que des réseaux de neurones qu’elle ne parvient
pas à contrôler prennent le dessus, elle attend une minute et demie que la
réaction physiologique émotionnelle aie le temps de couler hors de son
corps, puis elle s’adresse à son cerveau en lui disant avec sincérité : « Je te
suis reconnaissant de ta capacité à faire naître en moi des émotions mais
celle que tu viens d’éveiller ne me dit rien qui vaille, alors je te prie de passer
à autre chose ! » Sa guérison lui permit de mieux comprendre le fonctionnement
des hémisphères du cerveau. Elle écrit :
« Je me demandais dans quelle mesure la récupération des facultés de mon
cerveau gauche me contraindrait à sacrifier le nouveau système de valeurs de
mon hémisphère droit et les traits de caractère qui en découlaient. Je ne souhaitais
pas renoncer à mon impression de fusionner avec le reste du monde.
Loin de moi l’envie de renoncer au nirvana! Quel prix allait devoir payer la
conscience de mon hémisphère droit pour que l’on m’estime à nouveau «normale
»? Les neurobiologistes actuels se contentent souvent de décrire sur un
plan purement intellectuel l’asymétrie fonctionnelle de nos deux hémisphères
cérébraux sans s’arrêter aux traits de caractère qui résultent de leur spécificité.
Avant mon A.V.C., mon hémisphère gauche prévalait sur le droit. Je sollicitais
la plupart du temps mes facultés de jugement et d’analyse. Mon hémorragie
a détruit les neurones qui définissaient mon ego dans le centre du langage de
mon hémisphère gauche en les empêchant ainsi d’étouffer plus longtemps la
voix de mon cerveau droit, ce qui m’a permis de relever les différences entre
les deux personnalités qui cohabitent à l’intérieur de mon crâne. Les deux moitiés
de mon cerveau, non contentes de percevoir le monde ou de réfléchir chacune
à sa manière, prônent des valeurs propres au type de données qu’elles
traitent. Mon A.V.C. m’a obligée à me rendre compte que mon hémisphère
droit abritait une forme de conscience dont dépendaient ma quiétude, ma joie
et mon amour pétri de compassion pour le reste du monde.
Certains d’entre nous ont encouragé le développement des deux moitiés
de leur cerveau: ils optimisent les compétences propres à chacune de sorte
qu’elles se contrebalancent au quotidien. D’autres s’en tiennent au contraire à
un fonctionnement unilatéral; ils suivent un mode de pensée rigide et critique
(en n’ayant recours qu’à leur cerveau gauche) ou, à l’inverse, se coupent du
réel en passant leur temps « la tête dans les nuages » (à l’intérieur de leur cerveau
droit). Un équilibre harmonieux entre les tendances associées à chacun
de nos hémisphères devrait nous assurer assez de flexibilité sur le plan cognitif
pour nous adapter au changement (grâce à notre cerveau droit) sans dévier
pour autant du chemin que nous nous sommes tracé (à l’aide de notre cerveau
gauche). Apprécier à leur juste valeur et utiliser au mieux nos aptitudes cognitives
nous amène à prendre conscience des chefs-d’oeuvre de la vie que nous
sommes tous! Imaginez le monde que nous pourrions créer pour peu que chacun
d’entre nous décide de laisser libre cours à sa compassion.
Hélas ! La compassion n’a pas souvent voix au chapitre dans nos sociétés.
Beaucoup d’entre nous passent un temps fou (et gaspillent énormément d’énergie)
à dévaloriser ou critiquer les autres (ou, pire encore, eux-mêmes !).
Quand nous nous accablons de reproches, nous devrions nous demander
qui, au fond de nous, nous houspille et sur qui pleuvent nos récriminations.
Avez-vous déjà remarqué la fâcheuse tendance des pensées négatives à
redoubler notre hostilité envers nous-mêmes ou notre anxiété? Et l’influence
pernicieuse de notre monologue intérieur sur nos relations avec nos proches
et les réactions que nous suscitons en eux? En tant que créatures biologiques,
nous disposons d’une emprise extraordinaire sur nous-mêmes. Nos
neurones communiquent entre eux en fonction de circuits établis, ce qui
rend au final leur activation assez prévisible. Plus nous nous concentrons sur
un réseau de cellules en particulier, c’est-à-dire plus nous passons de temps
à entretenir telle ou telle pensée, plus notre influx nerveux aura tendance à
suivre le même parcours à l’avenir.
Mon hémisphère droit ne se soucie que de l’ici et maintenant. Il batifole
avec un enthousiasme débridé sans s’inquiéter de quoi que ce soit. Il sourit
sans cesse et se montre très amical. Eternellement satisfait, il ne renonce
jamais à son optimisme. Il ne juge pas en termes de bien ni de mal; tout existe
de son point de vue dans un continuum; tout est relatif. Il prend les choses
comme elles viennent et s’adapte aux situations telles qu’elles se présentent.
Mon hémisphère droit nous considère tous comme membres à part
égale de la grande famille humaine.
Mon hémorragie a été une bénédiction pour moi dans la mesure où elle
m’a permis de «donner un coup de jeune » aux réseaux de neurones à l’origine
de ma joie de vivre. Mon A.V.C. m’a rendue libre d’explorer le monde
qui m’entoure avec une curiosité enfantine. C’est mon hémisphère droit qui
me souffle que nous formons ensemble la trame du canevas universel des
potentialités de l’humanité, que la vie est belle et que tous les êtres qui peuplent
notre planète sont merveilleux tels qu’ils sont.
C’est dans mon hémisphère droit que résident mes tendances mystiques,
ma sagesse, mes facultés d’observation, d’intuition, de clairvoyance. Mon
cerveau droit jouit d’une entière liberté. Il ne se laisse pas entraver par mon
passé. Il ne craint pas l’avenir. Il savoure mon existence au quotidien. Il ne se
soucie pas seulement de moi mais de la vitalité de ceux qui m’entourent, de
notre bien-être à tous au sein d’une même société, et de notre relation avec
notre mère la terre. J’ai beau admirer l’ouverture d’esprit et l’enthousiasme
dont témoigne mon cerveau droit en prenant la vie à bras-le-corps, mon
hémisphère gauche ne me semble pas moins fascinant. Souvenez-vous que
j’ai tout de même passé huit années à tenter de le ressusciter ! C’est lui qui
associe les informations que me transmettent mes sens aux fabuleuses
potentialités qui apparaissent à chaque instant à mon hémisphère droit pour
en former une représentation de mon environnement qui me permette d’interagir
avec lui. Mon cerveau gauche me sert à communiquer avec le monde
extérieur. Mon hémisphère droit pense par juxtaposition d’images tandis que
mon hémisphère gauche réfléchit à l’aide d’un langage verbal. Il me parle
sans cesse. Son babil me remémore en permanence à quoi ressemble ma vie
en entretenant la conscience de mon identité. Si je me considère comme une
entité solide indépendante. Mon cerveau gauche s’épanouit en se livrant à
des supputations et des calculs incessants. C’est un perfectionniste qui excelle
à tenir un intérieur ou à gérer une entreprise. « Chaque chose a sa place,
et donc, chaque chose à sa place ! Telle est sa devise. Alors que notre cerveau
droit s’attache aux valeurs humaines, le gauche se souciera plutôt d’économie
ou de finances.
Mon hémisphère gauche n’hésite pas à se charger de plusieurs corvées à
la fois et il prend d’ailleurs plaisir à multiplier les activités. Entrepreneur, dynamique,
il se jauge à l’aune du nombre de lignes qu’il a gagné le droit de biffer
sur ma liste quotidienne de choses à faire. S’il me fallait qualifier ce que
je ressens au plus profond de mon hémisphère droit, j’emploierais le terme
de « joie ». Mon hémisphère droit exulte à la seule idée d’être en vie ! Quel
n’est pas mon émerveillement quand je songe qu’il est en mon pouvoir de
fusionner avec le reste de l’univers en conservant par ailleurs une identité
individuelle qui me permet d’évoluer dans le monde en le transformant selon
ma volonté !
Si la notion même de joie vous paraît incongrue, rassurez-vous: les circuits
de neurones à l’origine d’une telle émotion n’ont pas disparu de votre cerveau
pour autant. La suractivité de vos cellules génératrices d’anxiété ou de crainte
les inhibe tout simplement. Comme j’aimerais que vous puissiez à votre tour
vous débarrasser de votre bagage émotionnel pour retrouver votre joie spontanée
d’être au monde! Le secret de la quiétude consiste à chasser les pensées
angoissantes qui nous distraient de l’ici et maintenant et des messages que
nous transmettent en permanence nos cinq sens. Notre désir de paix doit prendre
le pas sur notre attachement notre souffrance ou à notre ego ou encore
sur notre envie de l’emporter à tout prix. Comme le dit cette petite phrase qui
me plaît beaucoup : «Vaut-il mieux avoir raison ou être heureux ? »
En ce qui me concerne, j’apprécie beaucoup les sensations physiologiques
que me procure ma joie de vivre; c’est pourquoi je stimule souvent les circuits
de neurones qui l’éveillent. Plus d’une fois, je me suis demandé: Si chacun de
nous a le choix, pourquoi tout le monde n’opte-t-il pas pour le bonheur? Je
ne peux qu’émettre des hypothèses mais il me semble que nombre d’entre
nous ne se rendent pas compte que le choix leur appartient, ce qui fait qu’ils
n’en profitent pas. Avant mon A.V.C., je me considérais comme un produit
de mon cerveau et jamais je n’aurais cru avoir mon mot à dire sur ma réaction
aux émotions qui me submergeaient. À un niveau intellectuel, je me
savais capable d’orienter le cours de mes pensées mais il ne e serait pas venu
à l’idée que je pouvais décider de ce qu’éveillait en moi tel ou tel état
d’esprit. Personne ne m’avait avertie qu’il ne fallait qu’une minute et demie
aux substances chimiques que sécrète mon organisme pour se dissiper en me
laissant de nouveau libre. Vous n’imaginez pas le bouleversement qu’une
telle prise de conscience a marqué dans ma vie ! »
source :
http://www.santeglobale.info/tal/Emotions-psychiatrie.html
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