mardi 11 octobre 2011

Enseignement 8



Alejandro Jodorowsky : J’ai connu cette sainte guérisseuse, dont j’ai révélé l’existence aux lecteurs pour la première fois dans mon livre « Mu, le Maître et les Magiciennes », dans la ville de Mexico, dans des circonstances très périlleuses : elle a empêché que je sois violé par un groupe de jeunes prostitués qui travaillaient sur la grande Avenue Insurgentes. Quelques jours plus tôt, j’avais commis l’erreur de donner un coup de pied au derrière de l’un d’eux qui m’avait offert ses services buccaux. Doña Magdalena les connaissait et les guérissait quand c’était nécessaire. Ils la vénéraient. Tout ceci je l’ai raconté dans mon livre. Je comprends que les faits que je raconte sont si extraordinaires qu’ils peuvent s’avérer incroyables pour certains. Beaucoup d’amis m’ont dit avec admiration « Qu’une grande imagination tu as ! »… Toutefois Doña Magdalena a existé. Je parle d’elle au passé parce qu’elle est maintenant morte… De façon totalement objective, sans délire egotique ni narcissisme infantile, je dois dire que je vis hors du temps. Évidemment, mon corps vieillit, mais pas mon esprit. J’ai presque domestiqué mon ego énorme, qui me suit comme un chien fidèle et je vis la plupart du temps bercé dans les bras de mon Être Essentiel. J’ai ouvert une porte entre mon esprit conscient et inconscient, et je peux trouver refuge dans le pont qui unit mon lobe cérébral gauche avec le droit. En même temps, comme dans un mariage passionné, j’utilise la raison et l’intuition… C’est pourquoi je ne peux pas dire avec exactitude quand j’ai rencontré la sainte. Était-ce il y a 40 ou 50 ans ? Avant de filmer la « la Montagne sacrée » ou ensuite ? Je suis incapable de le savoir. En moi tout le passé n’est qu’un « hier ».


Elle m’a dit sans aucun détour : « Tu vas être connu dans le monde entier, ce que je vais te révéler n’est pas à moi, tout ceci vient du plus noble et du plus profond de la race mexicaine, si tu es un véritable être, ce trésor, plus tard tu le sèmera en ceux qui auront l’âme pour le comprendre ». Durant les quelques jours où elle m’a massé, et qu’ensuite nous nous asseyions face à face, en me montrant en même temps quelques positions de mains (mudras), elle m’a conduit avec sa voix transpersonnelle dans des mondes sublimes. J’ai enregistré tout ceci. Et ainsi, de façon gratuite, en laissant dans mes mains une part de son enseignement, elle a disparu. Je l’ai cherchée en demandant après elle dans tout le voisinage, personne n’a rien pu me dire. Dix ans sont passés. J’ai eu la chance que lors d’un cours de Karate-do, je me casse une côte. On m’a recommandé à une dame qui tous les samedis laissait ouverte la porte de sa maison et massait avec une immense habilité, gratuitement, ceux qui la sollicitaient. « Elle réalise des guérisons étonnantes » m’a-t-on dit.


Le samedi suivant, j’ai couru chez Madame Soledad, comme on l’appelait. C’était une maison typique de la classe moyenne mexicaine. Dans le petit salon et dans la salle à manger étaient assis, attendant leur tour, quelque 30 patients. Sur une chaise roulante, une vieille femme , d’une pâleur impressionnante, accompagnée d’un infirmier gras, chantait avec une voix d’enfant, à maintes et maintes reprises, sans jamais faire de pause, ceci : « J’ai été colombe en été /plumes blanches, corps sain/ j’ai aimé une corneille en l’hiver/ mon cœur est devenu noir ». J’ai su après que la personne était la mère de Soledad. Soledad gagnait sa vie comme actrice de cinéma. (Dans le dernier film écrit et dirigé par Alfonso Arau, « Emiliano Zapata » Soledad y tenait le rôle d’une sainte guérisseuse). Elle, en me voyant entrer dans l’endroit où elle massait, a grand ouvert les yeux. « Tu as connu la Maîtresse. Elle m’a beaucoup parlé de toi. Elle disait qu’elle t’avait donné une mission et un devoir au cas où tu serais capable de l’accomplir ». Soledad me massa avec la même pâte qu’utilisait Doña Magdalena. Sans pouvoir me contenir, je me suis mis à pleurer comme un enfant. Soledad m’a embrassé : « Tu n’as pas perdu ta mère, enfant chéri de l’âme, elle sera toujours parmi nous ». Elle enleva le rideau d’un petit autel. Là, j’ai vu la photo de Doña Magdalena que j’ai publiée dans cette série d’enseignements. Durant toute sa vie Doña Magdalena n’a jamais permis qu’on la photographie. Soledad m’a raconté qu’elle l’avait obtenue, grâce à un ami policier, qu’elle venait de sa carte d’identité. La sainte guérisseuse ne voulait pas qu’un culte soit rendu à son corps ou à son ego. (Elle m’a fait jurer que dès que j’aurais transcrit les bandes, je les brûlerait, pour qu’aucun fétichiste ne puisse déifier sa voix, chose que j’ai faite)… Quand je lui ai demandé de faire une copie de la photographie, Soledad a refusé. « La Sainte soulageait ma mère. Ma mère l’adorait. Ma mère jamais ne se pardonnerait de donner une photographie de sa Sainte à un autre. Cette image est le seul lien qui l’attache maintenant à la réalité ».

Dix ans plus tard j’ai été informé d’un fait indigne : l’infirmier gras est devenu fou et avec un couteau de cuisine, il a séparé la tête du corps de la mère de Soledad… Je me suis dépêché d’écrire à Soledad mes condoléances. Elle, sans aucun commentaire écrit, m’a envoyé à Paris la copie de la photographie de Doña Magdalena. Je l’ai appelée par téléphone. Il m’a dit une seule phrase et a coupé la communication : « Pour nous Doña Magdalena n’est pas morte, elle a seulement disparu ».

Vu l’immense renommée qu’a acquise Castaneda en publiant les enseignements de Doñ Juan, j’ai gardé près de 40 ans ces bandes, ne voulant pas passer pour un imitateur du célèbre auteur. Alors que de nouveaux moyens de communication nous rendent leurs services, j’en ai maintenant profité pour transcrire certaines de ces bandes, sans aucun désir de les exploiter commercialement dans des livres. Je publierai seulement ici, telles je les ait enregistrées, en espérant qu’elles servent à ceux ou celles qui voudront développer leur conscience. Il n’y a pas de propriété privée. Ce sont des enseignements qui appartiennent à tous. Vous pouvez les copier autant de fois que vous le voulez. Et si ces méditations vous servent, ne me remerciez pas mais remerciez cette être saint qui incinéra son individualité pour se transformer en messager de l’Être Essentiel qui habite dans les profond de vous-même.

source :
:http://plancreateur.wordpress.com/2011/08/10/pensee-magique-18-%e2%80%a2-les-enseignements-de-dona-magdalena-8/

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